
La direction a décidé de s’acheter un logo.
Rappelons en effet que la CPAM va verser plusieurs milliers d’euros à l’entreprise commerciale Great Place to work, qu’en outre un tiers de la note repose sur le dossier de “bonnes pratiques” réalisé par l’employeur qui y mettra, il y a fort à parier, les salles de sport, le télétravail (accord négocié par SUD qui a exigé après vous avoir consulté, et obtenu, 3 jours, télétravaillables quand l’employeur voulait se limiter à 2).
Les 2 autres tiers de la note sont obtenus grâce au questionnaire que 40% du personnel doit compléter et pour lequel il faut 65% de réponses positives.
C’est pourquoi d’ici mi mars, le personnel va être soumis à une intense campagne de communication dont ce kakemono (affiche publicitaire ici à gauche) installé à Beauvais Savoie n’est que la partie émergée de l’iceberg.
La direction entend donc construire une “entreprise où il fait bon travailler“.
En qualité d’agents du service public, de travailleurs, qui pourrait s’opposer à une affirmation aussi vague et générale ?
C’est un peu affirmer qu’on préfère être en bonne santé plutôt que souffrant !
Et bien vos élus se questionnent sur les véritables intentions de l’employeur.
En effet, confrontés à la direction en réel, échangeant avec nombre d’entre vous en off, nous sommes particulièrement mal à l’aise vis-à-vis de ce dispositif qui, à notre sens, sert avant tout à redorer l’image abimée de la direction suite aux différentes alertes pour harcèlement moral.
Si la direction était sincère, pensez-vous que certain de vos élus sortiraient en pleurs après une réunion CSE où ils se font agresser ou humilier par l’employeur ? Le vrai visage du bon Docteur JEKYLL n’est autre que Mister HYDE à notre sens.
Pensez-vous qu’un organisme où il fait bon vivre laissera un mois durant des CDD exposés à des odeurs de colle et souffrir tous les jours de céphalées, nausées et autres symptômes ?
Croyez-vous qu’un organisme où il fait aussi bon vivre verrait se multiplier depuis 2021 des alertes pour harcèlement moral ? À la PFS, au service Invalidité, entre cadres ?
Imagine-t-on dans un organisme où on s’éclate comme des fous que les élus du CSE soient interdits de distribuer les cartes cadeaux médaillés et retraités lors de la remise des médailles ?
Nous pourrions multiplier les exemples à l’infini … Alors oui, la direction a décidé de financer des salles de sport, oui la direction donne des jours de congés extralégaux aux salariés qui participent au défi inter entreprises, oui Dr JEKYLL se montre affable lors des moments de convivialité.
Mais, oui, il y a loin de la coupe aux lèvres ou, pour le dire autrement, il y a l’affichage, l’emballage et le réel. Ce réel qui, pour nombre d’entre nous, est fait de non reconnaissance, sous-effectif, charge de travail, harcèlement, absence d’autonomie, perte du sens donné au travail, absence d’écoute, infantilisation… Mais nous aurons l’occasion d’y revenir.
En attendant, un conseil de lecture afin de former notre sens critique en qualité de citoyen informé.
“Les marchands de bonheur prétendent agir pour notre bien. Nous ne devons ps les écouter, ou nous nous perdrons dans une vaine obsession de nous-mêmes.”
Le bonheur se construirait, s’enseignerait et s’apprendrait : telle est l’idée à laquelle la psychologie positive prétend conférer une légitimité scientifique. Il suffirait d’écouter les experts et d’appliquer leurs techniques pour devenir heureux. L’industrie du bonheur, qui brasse des milliards d’euros, affirme ainsi pouvoir façonner les individus en créatures capables de faire obstruction aux sentiments négatifs, de tirer le meilleur parti d’elles-mêmes en contrôlant totalement leurs désirs improductifs et leurs pensées défaitistes.
Mais n’aurions-nous pas affaire ici à une autre ruse destinée à nous convaincre, encore une fois, que la richesse et la pauvreté, le succès et l’échec, la santé et la maladie sont de notre seule responsabilité ? Et si la dite science du bonheur élargissait le champ de la consommation à notre intériorité, faisant des émotions des marchandises comme les autres ?
Edgar Cabanas et Eva Illouz reconstituent ici avec brio les origines de cette nouvelle « science » et explorent les implications d’un phénomène parmi les plus captivants et inquiétants de ce début de siècle.
